Le droit au silence : première défense du mis en cause
Le droit au silence est prévu à l’article 63-1 du Code de procédure pénale de la manière suivante : « Du droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ». On note déjà que dès la conception même de la notion de droit au silence la définition législative qui en est faite est plus restrictive. En effet, la personne doit être informée qu’elle a le droit de se taire mais non qu’il existe un droit au silence. De nombreux articles ont été écrits sur les origines de la notion ainsi que sur sa définition juridique, je souhaiterai plutôt expliquer ici l’utilité de ce droit au silence et les conséquences pratiques qui y sont liées.
Il existe deux mécanismes qui vont pousser les accusés à renoncer à leur droit au silence. Le premier est humain et le second est dû à une mauvaise appréciation de la procédure pénale. Mais d’abord précisons en quoi le droit au silence est indispensable à la défense d’une personne accusée d’un délit ou d’un crime.
Lorsque la police décide d’auditionner une personne, elle dispose toujours d’un dossier dans lequel elle a rassemblé tous les éléments de l’enquête. Il s’agit des auditions des victimes, de géolocalisation du téléphone portable, d’enregistrement de vidéo surveillance, de photographies, d’analyse de certaines scènes de crime. Le but de l’audition est d’interroger l’accusé et de le confronter à ses éléments pour voir comment il réagit. L’objectif est d’obtenir des aveux de la sa part. A ce stade de la procédure et comme le précise le code de procédure pénale il existe déjà » une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement ».
Les policiers et le procureur de la république lorsqu’ils décident de mettre en place une telle mesure de contrainte que la garde-à-vue ont déjà une idée de l’implication de l’accusé. A travers l’audition, ils veulent pouvoir corroborer ce qu’ils ont déjà dans le dossier. Par conséquent, il faut clairement comprendre qu’une personne dans cette situation n’est jamais là par hasard ou qu’il y aurait eu une erreur. Et c’est le sens de ma première observation et qui donne au droit au silence une importance déjà fondamentale à ce stade.
Dans un mécanisme profondément humain et si la personne n’a jamais été auditionné par un officier de police judiciaire, elle veut avant tout prouver son innocence. Elle est victime d’une erreur judiciaire et elle va répondre aux questions de l’interrogatoire pour démontrer qu’elle n’a rien à se reprocher. Elle pense aussi qu’elle va pouvoir raconter sa version des faits sans grande difficulté. A ce titre, il suffit de repenser au Procès de Kafka et de la fameuse scène devant les juges d’instruction et du discours enflammé de celui qui finira sur l’échafaud. Le réflexe premier du mis en cause sera de vouloir répondre aux questions car il est certain de pouvoir prouver son innocence.
Malheureusement, c’est toujours l’inverse qui se produit (que la personne soit innocente ou coupable n’a aucune importance à ce stade). La façon dont les questions sont rédigés vont amener le mis en cause à donner des réponses qui seront celles attendues et souhaitées. Un « je ne suis pas certain » ou « je ne peux vous le confirmer » sont lourd de sens.
C’est en ce sens que le droit au silence doit être utiliser et l’avocat doit le conseiller à son client. L’utilisation du droit au silence ne peut jamais être reprochée à un mis en cause.
Le second élément est de type procédural. Quand bien même la personne à une idée des questions que l’officier de police judiciaire (OPJ) peut lui poser, elle ne sait pas ce qu’il y a dans le dossier. Des interceptions téléphoniques ou des témoignages accablants vont être porté à la connaissance du mis en examen. Or si le droit au silence est utilisé, l’OPJ ne posera aucune question. La défense n’aura pas accès au dossier mais s’il y a une mise en examen devant un juge d’instruction ou une convocation devant le Tribunal correctionnel, elle pourra en obtenir une copie. L’accusé pourra alors se défendre en sachant exactement les éléments sur lesquels reposent les charges pour lequel le procureur de la république a requis sa comparution ou sa mise en examen.
Donc le droit au silence m’apparait comme un outil indispensable pour protéger les droits de la défense au moment où ils sont le plus en péril. Toutefois, il reste majoritairement sous-utilisé et victime d’une conception erronée dans laquelle on estime que si l’accusé garde le silence c’est qu’il cherche à dissimuler quelque chose et qu’il est forcément coupable. Ce n’est pas du tout le sens que lui donne le code de procédure pénale.