Irresponsabilité pénale et la difficile question du discernement
L’irresponsabilité pénale en raison de l’abolition ou de l’altération du discernement est une question épineuse du droit pénal. Souvent considérée de façon simpliste, cela signifierait qu’en raison d’un trouble psychique une personne échapperait à la justice. La réalité est plus complexe que cela. Une personne considérée comme irresponsable pénalement n’est pas relâchée dans la nature et libre de faire ce qu’elle souhaite.
La définition légale est donnée par les articles 122-1 et suivants du code pénal. La partie relative au discernement distingue entre l’abolition et l’altération de ce dernier à savoir l’aliéna 1 et l’alinéa 2 de l’article 122-1 du Code pénal. Ce sont deux situations différentes qui vont produire des conséquences différentes sur la procédure pénal.
L’abolition du discernement est un cas rare voir extrêmement rare. Il est défini comme : le fait d’être atteint, « au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. » .Trois conditions sont posées pour retenir l’abolition : une condition temporale « au moment des faites », une condition technique « un trouble psychique ou neuropsychique et une condition de proportion « aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ».
Ainsi pour retenir le cas de l’abolition du discernement, il faut un trouble psychique au moment des faits et que ce trouble soit suffisamment fort pour avoir pu abolir tout discernement. Une personne dont le trouble psychique apparaît postérieurement aux faits pourra-t-elle alors justifier d’être dans un cas d’irresponsabilité pénale ? Qui définit ce qu’est un trouble psychique ou neuropsychique ?
L’altération du discernement reprend les mêmes conditions avec cette différence : « altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ». En fait, si le trouble psychique est réel mais s’il n’est pas suffisant pour abolir complètement le discernement il peut alors avoir modifié ce dernier. Mais le prévenu ou l’accusé demeure punissable contrairement au cas de l’abolition.
L’irresponsabilité pénale dépend ainsi de plusieurs questions auxquels un expert sera chargé de répondre. Un juge d’instruction ou un tribunal correctionnel pourra décider de l’irresponsabilité pénale d’une personne mais pour se faire il aura d’abord recours à un expert psychiatre qui sera chargé de répondre à la question de savoir si la personne était atteinte d’un trouble psychique ou neuropsychique. Cela revient à donner énormément de responsabilité sur la procédure à un expert. Ceux-ci ne sont pas généralement friands de devoir rendre une expertise qui pourrait éventuellement être contestée par une des parties, surtout par le procureur de la république.
Les cas d’irresponsabilité pénale pour abolition du discernement sont donc extrêmement rares. Si l’expert psychiatre estime qu’il y a bien une abolition, il faudra alors qu’une décision judiciaire constate l’irresponsabilité pénale du mise en examen, mis en cause, prévenu, accusé etc. Celle-ci pourra décider que ce dernier est ensuite hospitalisé dans un établissement psychiatrique et ne sera dès lors pas libre. Il pourra demeurer au sein de cet établissement pour un temps particulièrement long, tant que les experts psychiatres estiment qu’il n’est pas guéri.
L’altération du discernement n’a pas le même effet sur la procédure pénale. L’irresponsabilité pénale n’est pas réellement prononcée dans ce cas puisque la personne demeure « punissable ». Toutefois, la peine qu’elle encourt sera réduite du tiers.
Si les faits peuvent donner lieu à une peine maximal de trois ans d’emprisonnement, la personne dont le discernement a été altérée ne pourra elle être condamnée qu’à une peine maximale de deux années.
L’irresponsabilité pénale en raison d’une altération ou d’une abolition du discernement n’est certainement pas une carte « sortie de prison » gratuite comme trop souvent on en entend parler puisque dans les faits, une personne peut être privée indéfiniment de liberté dans ce régime alors que la peine de réclusion criminelle a perpétuité est elle limitée.