Instruction pénale : les prérogatives de la défense à ce stade de la procédure
L’instruction pénale ou information judiciaire est une étape de la procédure pénale. Il ne s’agit pas d’une phase que rencontrera toute personne accusée par le Procureur de la République. Sur l’ensemble des affaires pénales jugées en France, celles qui vont passées à l’instruction pénale et entre les mains d’un juge d’instruction restent peu nombreuses. L’objet d’une instruction pénale est le suivant : lorsque le procureur de la république estime que les faits sont suffisamment complexes ou graves au niveau correctionnel, il peut saisir un juge d’instruction qui va ouvrir une enquête appelée information judiciaire. Lorsque l’affaire est criminelle, il y aura toujours une instruction pénale. La loi oblige cette phase en raison de la lourdeur de la peine puisque le mis en examen pourra être renvoyé devant une Cour d’assises. Cette juridiction étant compétente pour des peines allant de dix ans d’emprisonnement à la perpétuité.
La contre-expertise en droit pénal : pourquoi et comment la demander
Pour la défense et le mis en examen, l’instruction pénale est une partie extrêmement intéressante de la procédure. Lorsque la personne est mise en examen par le juge d’instruction, elle peut alors bénéficier de nombreux droits qu’elle n’avait pas avant et que nous allons détailler par la suite. Ces droits doivent être utilisés dans une stratégie visant déjà l’ultime moment devant le Tribunal correctionnel ou la Cour d’assises. Il faut préciser que les droits de la défense ne sont pas exactement les mêmes lorsque la personne est mise en examen ou bien qu’elle reste sous le statut de témoin assisté. Ici seul ceux du mis en examen en cours d’instruction seront concernés.
Les droits du mis en examen pendant l’instruction pénale
Le premier droit qui est disponible avant même que l’intéressé ne soit mis en examen par le juge d’instruction est la possibilité pour son avocat de consulter le dossier de l’instruction. Évidemment si l’on replace ceci dans un contexte temporel ça n’a pas réellement d’intérêt puisque juste avant ce qu’on appelle interrogatoire de première comparution, il est techniquement difficile pour l’avocat et son client de s’entretenir sur tout un dossier d’instruction dans un laps de temps si bref. Ainsi au début de l’instruction pénale, le client et l’avocat ne doivent surtout pas mettre en péril le reste de la procédure en répondant aux questions du juge d’instruction sans en savoir plus sur le dossier de ce dernier.
On arrive ici au second droit important selon moi dont va disposer un mis en examen devant le juge d’instruction. Il peut choisir de répondre aux questions de ce dernier, de faire une déclaration ou de se taire. Il s’agit des mêmes droits que ceux dont une personne suspectée peut bénéficier en cas de garde-à-vue. Le choix pour le mis en examen va dépendre de sa position au regard des faits. S’il les reconnaît, il entre dans une voie de collaboration avec le juge d’instruction dont le but est d’expliquer ce qui l’a amené à commettre le délit ou le crime en question.
Mais s’il conteste la version de la police ou même celle du juge d’instruction qui agit sous commission rogatoire, il faut utiliser les deux autres possibilités soit se taire soit faire une déclaration. Les deux stratégies ont leurs avantages et elles ne sont pas inconciliables. Le mis en examen dans le cadre de l’instruction pénale peut garder le silence dans un premier temps puis faire une déclaration et s’en tenir à cela. Il conservera la possibilité de s’expliquer lors de l’audience s’il le souhaite.
Le droit à l’interprétariat en débat devant la Cour de cassation
Au cours des interrogatoires menés par le juge d’instruction, s’il ne comprends pas le français parfaitement, le mis en examen peut demander la présence d’un interprète. On touche ici a une question de droit très importante car le droit à l’interprétariat est en lien avec celui du procès équitable. Peut-on juger une personne sur des déclarations en réponse à des questions qu’il ne comprend pas parfaitement ? Si la jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation est clairement ambivalente sur la question, celle de la Cour Européenne des Droits de l’homme l’est beaucoup moins. Les juges de Strasbourg ont donné au droit à l’interprétariat une portée très large.
A contrario, en 2017, la chambre criminelle a estimé qu’il était régulier qu’un mis en examen ne parlant pas la langue de la procédure se voit refuser l’assistance d’un interprète pour s’entretenir avec son avocat avant une audience relative au prolongement de sa détention provisoire. Pour avoir été à l’origine de cet arrêt, je considère qu’il n’est pas conforme à la législation européenne en vigueur issue de la directive UE Interprétation et traduction de 2010. L’arrêt de la Cour de cassation va a contresens des arrêts rendus en la matière par les juridictions européennes et la CEDH. Malheureusement, la CJUE n’ayant pu être saisie de la question, il faudra attendre une nouvelle affaire pour s’assurer que l’interprétation du juge français est incorrecte.
Lors de l’instruction pénale, il est impératif d’utiliser les droits de la défense. Je n’en ai cité que quelques uns, mais il en existe d’autre comma la possibilité de demander au juge d’instruction de faire des actes. Même si ce dernier refuse, il devra en justifier. Face à un juge qui à de plus en plus recours à la facilité (détention provisoire, réduction du temps d’instruction), la défense pénale doit combattre par tous les moyens légaux une instruction pénale dont les conséquences sont décisives pour la suite de la procédure.