Enquête préliminaire : la grande inconnue du mis en cause
L’enquête préliminaire est une étape de toute procédure pénale. Sa durée varie en fonction de chaque affaire et de l’officier de police judiciaire qui la traite. Toutefois, elle va avoir un rôle très important puisque c’est en fonction de son résultat que le procureur de la république décidera ou non de renvoyer le mis en cause devant le Tribunal correctionnel. Elle est prévue précisément par les articles 75 à 78 du Code de procédure pénale.
C’est aussi un moment où la situation est très préjudiciable à la personne accusée et où elle doit savoir garder son sang froid et ne pas s’inquiéter inutilement. Pendant la durée de l’enquête préliminaire, elle n’a accès à aucune information. Tout ce qui a été noté dans les procès-verbaux, toutes les preuves matérielles lui sont inconnues. Il en va de même pour son avocat. C’est un très long combat que mène les avocats en France pour obtenir l’accès au dossier pendant la garde-à-vue ce qui rendrait certainement celle-ci plus utile à la manifestation de la vérité.
A ce jour, l’avocat n’a pas accès au dossier et tout ce qui figure dans le dossier pendant l’enquête préliminaire est inconnu à la défense ainsi qu’à la personne suspectée d’avoir agit de manière illégale.
En théorie et selon ce que retient la Cour de cassation dans son interprétation, l’impossibilité pour le mis en cause d’avoir accès aux éléments du dossier pendant l’enquête préliminaire doit permettre aux services enquêteurs de faire leur travail dans des conditions idéales, d’empêcher des concertations entre mis en cause ou avec des témoins, de protéger des éléments matériels de preuve.
A mon sens, c’est surtout un véritable rapport de force inégal qui est maintenu dans le but d’une prétendue efficacité dont il n’a jamais été démontré que si demain le mis en cause avait accès au dossier, la police ou la gendarmerie ne serait plus capable de résoudre une enquête.
Ce déséquilibre des armes a pour conséquence que le mis en cause va être surpris et confronté à des éléments de l’enquête dont il n’a aucune idée s’ils sont réels ou non. Durant l’enquête préliminaire, il est maintenu dans l’ignorance de tout ce qui se passe. Si l’OPJ interroge un témoin, il ne saura pas ce qui sera dit par ce dernier.
C’est seulement au cours de son interrogatoire que le mis en cause apprendra au travers des questions qui lui sont posées, qui ou quoi l’accuse. Placé dans cet état, il est très difficile de répondre aux questions dans son meilleur intérêt alors qu’on ne sait pas réellement et avec précision ce qui est reproché.
L’enquête préliminaire et le code de procédure pénale confère énormément de pouvoir aux services enquêteurs. Ils peuvent par exemple avoir accès à des « informations, notamment sous forme numérique, le cas échéant selon des normes fixées par voie réglementaire, sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l’obligation au secret professionnel. ». Cela signifie qu’un OPJ peut demander à toute organisation publique ou privée de lui communiquer des informations sur une personne sans que cette dernière n’en soit ni avertie ni n’ait donné son accord.
Si vous êtes convoqué dans le cadre d’une enquête préliminaire, vous êtes tenu de comparaître et il n’est pas possible de ne pas se rendre à la convocation.
Toutefois si l’enquête préliminaire n’offre quasiment aucun droit à la défense, il en subsiste un qui doit être utilisé pour préserver les droits d’un mis en cause : le droit au silence. C’est la seule arme dont peut disposer une personne pour se défendre à ce stade.
Comme il n’a pas d’idées précises de ce qui l’accusent ou de qui l’accusent exactement, il faut utiliser le droit au silence lors des interrogatoires pour se protéger au maximum. Ainsi l’OPJ ne pourra pas utiliser ce qu’il sait directement contre la personne mise en cause et cette dernière conserve ainsi ses déclarations et réponses lorsqu’elle pourra y répondre précisément et en ayant tout connaissance de ce dont il ou elle est accusé(e).