Cyberharcèlement : nouveau délit ou facilité de langage
Le cyberharcèlement est de plus en plus utilisé par les médias pour désigner plusieurs infractions qui ont d’ailleurs eu un écho récent dans les médias suite à la condamnation de plusieurs personnes ayant proférés des insultes et des menaces à l’encontre d’anciennes actrices de film pour adultes. Loin de cette situation, il est important de porter un regard juridique sur la définition de ce que peut être le cyberharcèlement et des risques encourus pour les personnes étant prévenues d’une telle infraction.
Sous la notion de cyberharcèlement, on peut comprendre qu’il existe à la fois un type d’infraction à savoir le harcèlement (mais qui peut parfois être requalifié en injures, diffamation ou menaces) et une méthode qui permet la réalisation de cette infraction à savoir la diffusion par des moyens essentiellement informatiques. Il faut d’abord que l’auteur se soit livré à l’infraction en question avant qu’on ne puisse ensuite lui reprocher le moyen qu’il a utilisé pour y parvenir. L’objet n’est pas réellement de se poser la question du harcèlement en tant que tel qui à mon sens est un autre type de cas mais plutôt de sa qualification pénale dans un dossier que l’on qualifierait de cyberharcèlement.
Dans le cyberharcèlement, il y a plus ou moins comme infraction précisée dans le code pénal, selon les cas car il est difficile d’être parfaitement exhaustif : les injures (Article R625-8-1 et R621-2 du Code pénal), les menaces (Article 222-17 du Code pénal), le harcèlement moral (Article 222-33-2 du Code pénal) et la diffamation (Article R625-8). On pourrait aussi ajouter le harcèlement sexuel (Article 222-33 du Code pénal) vu que dans l’affaire citée plus haut, les propos réitérés avaient clairement une connotation sexuelle.
En fonction de ce qui est dit ou affirmé par l’auteur présumé des faits, il peut donc être condamné pour tous les délits ou contraventions qui viennent d’être cités. Le cyberharcèlement ne nécessite pas impérativement un caractère répétitif comme le harcèlement à proprement parlé. Par exemple une menace proférée à la suite d’une vidéo qui aurait été postée sur la plate-forme Youtube peut donner lieu à des poursuites pénales fondées sur l’article 222-17 du Code pénal. Les cas les plus fréquents de cyberharcèlement sont en général liés à des envois de message directement à la victime via des réseaux sociaux même si cela peut aussi être fait directement par mail par exemple. Dans ce cas le caractère non-publique de ce type d’interaction joue sur la qualification pénale des faits.
La diffusion informatique propre au cyberharcèlement est l’autre versant de ce type d’infraction. Souvent l’auteur affirme à tort que comme les faits se sont produits en lignes, ils n’auraient pas la même importance que dans la réalité. Ce n’est évidemment pas le cas. La forme que peut prendre une infraction liée au cyberharcèlement ne rend pas son auteur irresponsable. De plus, le caractère public et surtout la diffusion beaucoup plus importante que dans un contexte réel aggrave la situation pour la personne accusée de tels faits. Un exemple pour expliquer de manière plus facile à comprendre : imaginons une personne qui en menace une autre dans la rue devant deux personnes et une autre qui fait la même chose mais sur le forum d’un site internet. La diffusion des menaces sera bien plus grande dans la seconde situation que dans la première. Il sera ainsi bien plus aisé pour le Procureur de la République de prouver la culpabilité du prévenu.
Le cyberharcèlement n’est pas une infraction nouvelle pas plus que le harcèlement ne l’est ou les menaces ou les diffamations. Une de ses particularités est que souvent les personnes qui sont accusées dans ce type d’affaire conçoivent que la diffusion de leurs propos réalisée sur internet aurait moins d’importance. Le cyberharcèlement quelque soit la façon dont il est survenu sera réprimé plus durement.
Les moyens techniques à la disposition de la police sont adaptés à ce type d’infraction et ils arrivent assez souvent à trouver l’auteur des propos. Après il a pu être constaté qu’en pratique des plaintes pour ce type de procédure ne sont pas toujours traitées ou reçues par la police. Mais il s’agit d’un autre débat.
En cas de poursuites pour cyberharcèlement, la défense pénale doit d’abord s’assurer que la personne accusée comprends bien l’enjeu de l’infraction et des propos tenus et ce qu’elle risque. C’est notamment important au stade de la garde-à-vue et en audition lorsque la personne pourrait être amenée à dire qu’elle l’a bien tenu de tels propos mais que selon elle ça n’avaient pas d’importance. Ici elle reconnaîtrait directement sa responsabilité et sa condamnation ferait peu de doutes.