Le viol et l’emprise : quelle relation en droit pénal ?
Le viol et l’emprise qui a permis celui-ci sont souvent au centre des questions que se pose un juge d’instruction lorsqu’il a à connaître une affaire de ce type. Bien souvent c’est en caractérisant la notion d’emprise que le juge d’instruction et par la suite le procureur de la république et la Cour d’assises estiment que le viol a bien eu lieu. Par conséquent dans une affaire criminelle aussi grave, il est important de savoir ce que pénalement la notion d’emprise signifie.
Le viol et l’emprise ne sont pas mentionnés dans le cadre du code pénal qui parle lui de : « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. »Pour les quatre notions qui constituent le viol, c’est clairement celle de contrainte qui se rapproche le plus de celle d’emprise.
Lorsqu’un personne se dit victime d’un viol, il arrive qu’elle estime avoir été sous l’emprise de l’accusé. Or comme on le voit plus haut, le viol et l’emprise ne sont pas prévu par le code pénal qui ne parle que de violence, contraire, menace ou surprise. Toutefois, il est clair que les magistrats que ce soient de l’instruction ou du parquet font une appréciation très expansive de ce champ lexical afin d’englober le plus de notions possibles.
Mais cela ne se fait pas de manière législative (par des lois votés par le Parlement) mais via la jurisprudence de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation qui année après année étend le champ des comportements qui selon elle permet de retenir que l’auteur a bien fait de usage de violence, contrainte, menace ou surprise. Par exemple dans un arrêt rendu en 2014, la défense d’un accusé avait estimé que le phénomène d’emprise par lequel la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel avait motivé sa décision de rejet ne suffisait par à caractériser les circonstances d’une agression sexuelle au sens de l’article du code pénal.
Dans son arrêt la Chambre criminelle écarte cela et confirme l’arrêt de la Chambre de l’instruction :
« Attendu que les motifs de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la chambre de l’instruction, après avoir exposé les faits et répondu, comme elle le devait, aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, a relevé l’existence de charges qu’elle a estimé suffisantes contre M. Z pour ordonner son renvoi devant la cour d’assises sous l’accusation de viols et d’agressions sexuelles aggravées »
Cass. crim., 24-06-2014, n° 14-82.533, F-D, Rejet
Pourtant la question posée était intéressante à savoir que le viol et l’emprise ne sont pas des notions qui à ce jour figurent de cette manière dans le code pénal.
L’emprise selon les juridictions est assimilé à une contrainte morale. L’auteur des faits aurait usé d’une contrainte morale sur la victime pour lui imposer un acte sexuel qu’elle ne souhaitait pas. A ce stade, on peut raisonnablement se demander à partir de quand une personne peut imposer une telle emprise, comment y arrive-t-il et surtout par quels éléments objectifs il est possible de prouver qu’une telle emprise a bien eu lieu ?
C’est la que réside la faiblesse d’une accusation qui de viol qui se fonde sur l’emprise pour démontrer la contrainte. Le juge d’instruction va chercher au travers des témoignages ou des expertises psychiatrique et psychologique à démontrer que la partie civile était bien sous l’emprise du mis en examen. La défense doit alors contre-attaquer en demandant soit des contre-expertises soit à ce que les témoins soient entendus et que des questions très spécifique leur soient posés : « Avez-vous été témoin d’un phénomène d’emprise que M. A exerçait sur Mme B ? »
Trop souvent les services de police réalisent ce type d’entretien dans le cadre de viol et emprise mais leurs questions ne sont pas suffisamment précises ou bien formulées pour qu’elles puissent par la suite servir la défense.
Le viol et l’emprise est un phénomène que l’on constate de plus en plus souvent et qui peut tout à fait justifier le renvoi devant un tribunal criminel pour l’accusé.