Expertise psychiatrique : une obligation dans les affaires de mœurs
L’expertise psychiatrique est prévue par le Code de procédure pénale. Elle est encadrée de manière plus générale par les dispositions relative aux expertises en général. Il existe en droit pénal d’autres expertises que l’expertise psychiatrique : expertise technique sur un ordinateur pour mettre à jour des fichiers (photos ou vidéos), expertise somatique (elle relève de la médecine légale). Comme les autres expertises, l’expertise psychiatrique est une mesure que décide un juge ou des juges afin d’être éclairé dans un domaine pour lequel il n’a a priori pas de connaissances et donc doit s’en remettre à une personne dont l’expérience et les connaissances vont l’aider à prendre sa décision.
L’expertise psychiatrique peut être complétée par une expertise psychologique. Ce ne sont pas les mêmes choses. L’expertise psychiatrique va plutôt servir notamment à évaluer la dangerosité d’une personne, la nécessité d’un suivi, le risque de réitération ou de récidive. L’expertise psychologique est plus centrée sur l’individu, son histoire, son développement personnel. En matière d’agression sexuelle, seul l’expertise psychiatrique est obligatoire (c’est l’article 706-47-1 du Code de procédure pénale qui le prévoit). L’expertise psychologique est facultative et la personne mise en examen peut la demander mais il est rare que le juge d’instruction accède à la demande car il trouve généralement que cela fait perdre du temps à l’instruction et que l’expertise psychiatrique suffit. Pour la défense, une expertise psychologique est une chose souvent positive et permet de remettre l’individu au centre d’un contexte et non pas exclusivement à travers les infractions commises. Il faut donc que le juge d’instruction ait envie d’instruire le dossier à décharge également pour qu’il accepte de faire réaliser une expertise psychologique.
Le rôle de l’expertise psychiatrique en matière d’agression sexuelle
L’expertise psychiatrique va occuper un rôle important dans une affaire d’agression sexuelle à plusieurs niveaux. Le premier est celui de savoir si le mis en examen est conscient de l’acte qu’il a commis. En effet, une personne qui agit alors que son discernent est aboli n’est pas responsable. C’est le cas par exemple lors d’un accès de folie du à une consommation de substance toxique ou d’une pathologie psychiatrique comme la schizophrénie. L’expertise psychiatrique va servir au juge d’instruction pour savoir si le mis en examen était bien conscient de ce qu’il faisait au moment des faits qui lui sont reprochés.
Une autre partie de l’expertise psychiatrique va servir à évaluer la dangerosité de la personne. Mise en examen, elle reste présumée innocente (du moins en théorie). Elle devrait donc rester libre jusqu’à son procès. Mais le juge d’instruction va vouloir évaluer si pendant cette période, le mis en examen peut faire courir un risque pour d’éventuelle(s) future(s) victime(s).
L’expert va aussi être amené à diagnostiquer une pathologie psychiatrique s’il y en a une chez le mis en examen. En gros, il va dire si le mis en examen est malade et si cette maladie psychiatrique est une des raisons qui aurait pu permettre la réalisation de l’acte reproché. Si c’est le cas, l’expert peut également préconiser un traitement et des soins médicaux dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire qui interviendra après le jugement.
C’est la dernière partie de l’expertise psychiatrique : savoir si la maladie psychiatrique est guérissable et si le traitement médical est positif ou non ainsi que la façon dont un tel traitement peut être suivie. La question du traitement d’une maladie psychiatrique en prison prend là tout son sens. Si l’expert recommande un suivi médical, est-ce que celui-ci est compatible avec la prison ?
Les limites d’une telle mesure en matière d’agression sexuelle
L’expert ne peut pas se prononcer sur la culpabilité du mis en examen. Si ce dernier ne reconnaît pas les faits, il ne peut pas donner d’indication qui serait susceptible de remettre en cause la réalité ou non de ces derniers.
L’expertise psychiatrique est importante pour la défense dans les affaires d’agression sexuelle. C’est un élément objectif et qui permet de donner du sens à la théorie de la défense dans la suite de la procédure d’instruction. Il est important de ne pas accepter qu’un juge d’instruction refuse les questions de la défense. Celles-ci doivent être posées et le juge d’instruction n’a pas le monopole de la question légitime en la matière même si il ou elle le croit.